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Publié vendredi 25 septembre 2020 | Mis à jour le jeudi 4 février 2021
Testé positif
J’ai fait le test. Je suis positif. J’ai hésité à l’annoncer à ceux qui me sont proches, mais je leur dois la vérité. S’ils craignent de le devenir, ils devront se protéger de moi : je n’ai aucune envie de les éviter !
Je ne sais pas bien comment j’ai pu attraper ça. J’ai dû croiser quelqu’un qui était contagieux ou séjourner dans cluster sans le savoir. Je suis positif : il va falloir que l’on fasse avec.
Il faudrait – pour un bien ? – que je me mettre en quatorzaine, comme on dit aujourd’hui : c’est ce qui est recommandé, pour ne pas dire obligatoire. Mais si je suis positif, je dois dire que j’en suis plutôt heureux : j’espère de tout mon cœur que je n’en guérirai pas !
Je n’évoque pas ici le Covid, vous l’aurez bien compris. J’évoque ici un certain regard sur la vie, une façon de me tenir dans l’existence qui me fait oublier ou au moins traverser – je vous l’assure – le sombre inévitable des jours, des mois et des années. Une façon, ces temps-ci, d’aborder autrement la rentrée que d’aucuns prédisent infiniment morose.
A vrai dire, « positif » n’est pas vraiment le mot juste. Pas plus que « optimiste ». Et pas béat non plus. Aucunement naïf – qu’on m’avertisse, si c’est le cas ! Et pas non plus « béni oui-oui » … Les évènements économiques, écologiques et pandémiques qui secouent la planète, du bout du monde jusque dans nos intérieurs, ont de quoi troubler et inquiéter. Ce serait sot de ne pas le reconnaitre !
Plutôt que testé « positif », c’est « positif à l’espérance » qu’il faudrait plutôt dire. Cette espérance, qui n’a pas de point commun avec la méthode Coué, ne consiste pas à dire à qui mieux-mieux que tout ira bien demain mais à croire que chaque chose qui arrive a un sens. Il reste à le trouver. Il n’est rien, dans tout ce qui touche l’homme et notre humanité, qui ne soit un appel à des audaces nouvelles, un tremplin pour accueillir ou inventer un à-venir, un chemin nouveau à défricher et à risquer. Même les plus terribles des déroutes.
L’espérance ne s’achète pas. Elle ne se décide pas. Elle se transmet sans crier gare, comme un virus, au contact de ceux qui s’étonnent chaque matin de la vie qui est donnée, qui discernent les possibles, qui font le choix de se réjouir d’abord de ce qui va bien, qui s’émerveillent des petites choses. Elle se reçoit dans l’attention à ceux qui s’aventurent sur les sentiers de justice, de partage et de fraternité. Elle se greffe dans l’intime à la lecture de paroles fortes qui élèvent le cœur. Ils sont nombreux, autour de nous, ceux qui portent les symptômes bienfaisants de l’espérance. Et plus nombreux encore ceux qui n’en savent rien mais sont déjà atteints et contagieux de cette heureuse « maladie ».
Il ne faut pas lutter. Pas résister. Ne pas se prémunir d’eux. Tant mieux si le virus de l’espérance se propage dans ce monde qui en a tant besoin. Il faut refuser aux crieurs de mauvaises nouvelles leurs soi-disant vaccins d’information et de recettes consuméristes qui nous entrainent du côté de l’obscur. L’espérance, la « petite fille espérance [1] » comme la nommait Charles Peguy, entraine notre foi et notre charité du côté où la vie est possible. Sans elle, elles ne seraient rien que « deux femmes d’un certain âge, fripées par la vie. »
L’espérance soutient tout. Elle donne de comprendre, comme l’écrivait Madeleine Delbrêl que « comme l’arabe, les vrais signes de Dieu sont écrits à l’envers de notre écriture à nous. C’est pourquoi nous voyons si souvent une tentation de désespoir là où il y a un signal d’espérance, une destruction là où il y a une fondation. [2] »
Elle donne d’apprendre à déchiffrer la vie. Nos livres spirituels et nos rites religieux ne serviront à rien si nous n’apprenons pas à déchiffrer notre vie et les signes des temps. L’espérance se plait à dilater en nous des « yeux de chouette » capables de nous faire d’avancer à temps et contre temps. Plaise à Dieu que nous nous laissions toucher.
Raphaël Buyse
[1] Charles Péguy, Le Porche du mystère de la deuxième vertu, 1912
[2] Madeleine Delbrêl – Humour dans l’amour – Œuvres complètes de Madeleine Delbrêl – Nouvelle Cité
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